Marie- Madeleine« C’est la même contradiction qui rend hypocrite le tableau religieux moyen de cette même tradition. La manière dont le sujet est peint vide de tout son sens la finalité même du genre. La peinture ne peut échapper à sa propension originelle à offrir une matière tangible au plaisir immédiat du propriétaire.
Ce que veut démontrer son histoire, c’est qu’elle aimait tellement le Christ qu’elle se repentit de son passé et en vint à accepter la mortalité de la chair et l’immortalité de l’âme. Rien pourtant ne contredit autant l’essence même de cette histoire que la façon dont les tableaux sont peints. On dirait que la transformation de sa vie engendrée par le repentir n’a pas vraiment eu lieu. La manière dont la toile est peinte est incapable de « rendre » la renonciation que Marie- Madeleine est sensée avoir effectuée. La pécheresse nous apparait d’ abord comme une femme désirable que l’on veut prendre. Elle est toujours l’objet consentant de la séduction, caractéristique de ce type de peinture.
Extrait du livre Voir LE VOIR DE John BERGER.