Comment le tableau d’un grand maître : “Le Christ sur la croix” d’Eugène Delacroix, peint en 1835 devient la pièce maîtresse de la collection du musée des Beaux-arts de La Cohue à Vannes ?
Le tableau “Le Christ sur la croix” dit aussi “Le Christ entre les deux larrons”, ou “La Crucifixion”, de 1835, huile sur toile, 182 x 135 cm Delacroix a 37 ans et est devenu célèbre. Indifférent du point de vue religieux, il n’a peint que peu d’œuvres à thème biblique. Il ne s’intéresse aux compositions religieuses qu’en leur donnant une note romantique et lyrique qui ne fait pas l’unanimité. Quand Delacroix présente ce tableau au Salon de 1835, cette œuvre étonne par l’expression, la composition, la couleur et le clair-obscur. Les critiques lui reprochent “une incorrection de dessin poussée au-delà de toutes les bornes” et écrivent même “votre Christ, qui est loin d’être un divin, ne fera jamais de miracles…” et “…votre Madeleine, avec sa gorge découverte…” A l’issue de cette exposition, l’État, qui soutient ostensiblement Delacroix, achète le tableau pour 2000 francs pour le “déposer” en province et y diffuser la “culture”. Le parlementaire Vigier, grand amateur d’art, obtient que la toile soit attribuée au Morbihan, département qu’il représente, pour qu’il orne une église, ce qui n’était pas l’idée du peintre. Le 19 décembre 1835, le préfet est informé qu’un tableau de Delacroix représentant le calvaire est donné à la ville de Vannes. Destinée à la cathédrale de Vannes, la toile aboutit finalement dans l’église Saint-Patern pour y être exposée en 1836. Mais l’œuvre ne plaît pas et choque particulièrement le prêtre par l’impudicité du large décolleté de Marie-Madeleine, l’un des sujets centraux du tableau. Il fait recouvrir la poitrine de la sainte femme à grands coups de peinture noire par son sacristain, avant de reléguer la toile dans le clocher où elle se dégrade. Delacroix, apprend que sa toile, qu’il avait toujours rangée parmi ses productions majeures, est mal traitée à Vannes. Il saisit le ministère et tente de la faire revenir à Paris pour la restaurer lui-même. Delacroix mourut avant. L’œuvre sera restaurée en 1864, en vue de l’exposition rétrospective consacrée à l’artiste l’année suivant sa mort. Un long chemin vers le Musée de la Cohue à Vannes Après la mort de Delacroix, le tableau est repris par le département du Morbihan et revient à Vannes en 1865. La ville, ne possédant pas de musée des Beaux-arts, la toile est installée dans le bureau du maire… Pressés et sollicités par l’Etat, les élus décident l’ouverture du premier musée, dans les combles de l’hôtel de ville en 1886, qui est inauguré en toute discrétion aux côtés de la bibliothèque municipale… Mais le chemin sera encore long pour atteindre le Musées des Beaux-arts de la Cohue…
La ville prend la jouissance du Couvent des Carmes construit au XVIIe siècle sur le port et y loge le musée municipal de 1913 à 1942. Au plus fort de la guerre, de 1942 à 1945, les collections sont mises en sécurité dans la région d’Angers. En 1947, la famille Limur vend son imposant hôtel particulier du XVIIe siècle, rue Thiers, à la ville. Le musée municipal des Beaux-arts emménage dans l’Hôtel de Limur jusqu’en 1975. Mais en 1980, la ville cède le bâtiment pour le franc symbolique à l’État… avant de se raviser et le racheter quelques années plus tard pour la même somme… Pendant ce temps, les collections sont en réserve, au Palais des arts, de 1976 à 1981. Après avoir été l’un des plus anciens marchés couverts connus (puisqu’il date de 1220), après avoir accueilli le parlement de Bretagne de 1431 à 1703 dans sa salle haute, après avoir servi de caserne des pompiers, de théâtre, de salle de gymnastique, de passage piétons…, le bâtiment municipal de La Cohue est entièrement rénové en 1982 pour accueillir le musée des Beaux-arts de Vannes. “Le Christ sur la croix” d’Eugène Delacroix s’y trouve et est conservé en bonne place pour être vu.
Eugène Delacroix Biographie
Eugène Delacroix est un peintre français considéré, dans la peinture française du XIXᵉ siècle, comme un des principaux chefs de file du mouvement romantique. Né le 26 avril 1798 à Charonton-Saint Maurice et mort le 13 août 1863 à Paris, il fut très jeune initié aux arts, qu’il s’agisse de peinture, de littérature ou de musique. Le peintre se fait connaître avec un de ses premiers tableaux “La Barque de Dante”, en 1822. Son style, qui privilégie la forme générale du tableau et appuie les couleurs, tranche avec le néoclassicisme en vogue à l’époque et choque alors la critique. Eugène Delacroix est notoirement connu pour son tableau “La Liberté guidant le peuple” (1830), devenu un symbole de la démocratie, visible au Louvre. En 1832, Il accompagne le comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe au Maroc, pour une mission diplomatique, auprès du sultan Moulay Abd el-Rahman. Sa visite de l’Afrique du Nord lui fait redécouvrir ce qui est alors considéré comme “l’Orient”. En rentrant en France, il peint une de ses toiles les plus connues, “Femmes d’Alger dans leur appartement”, tableau à la fois romantique et orientaliste.
Jean – Pierre, adhérent AAACMV.