Le Télégramme : Publié le 16 septembre 2018 – CATHERINE LOZAC’H

Ce lundi, le Metropolitan Museum of Art de New York, le MET, ouvre son exposition Delacroix. Parmi 140 chefs-d’œuvre du peintre français, une toile vient de Vannes. Un voyage encadré… et accompagné.
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Début septembre, Marie-Annie Avril, responsable des collections du musée de la Cohue, de Vannes, a fait sa rentrée… à New York. Sa mission : chaperonner l’arrivée du « Christ sur la Croix » d’Eugène Delacroix au célèbre musée de Manhattan. Zurich, Sydney, Édimbourg, Tokyo, Madrid et Barcelone…, au fil de ses 183 ans, le tableau a déjà été exposé un peu partout dans le monde.

 

Le tableau de Vannes a été le premier à trouver sa place dans cette salle du Metropolitan Museum of Art de New York.

Œuvre fragile
« Notre première question était d’ailleurs : peut-il encore voyager ? Car il a eu une vie mouvementée et notre mission est la conservation des œuvres ». Une question d’autant plus importante que cette crucifixion, qui met en lumière Marie-Madeleine, est la toile qui a impulsé la naissance du musée vannetais. Et ce, justement parce qu’elle a été maltraitée dans ses premières années en Morbihan. Delacroix lui-même s’en était plaint au ministère.

Ausculté début 2018 par une restauratrice, le tableau a été reconnu apte. D’abord présenté au printemps au Louvre, il a pris son premier vol pour les États-Unis le 22 août. « Dans une caisse à ses dimensions, anti-vibratoire et climatique conçue et manipulée par un transporteur spécialisé », détaille la salariée du musée. Mousse spécifique, tissu anti-feu, bande de coton anti-frottement, un Delacroix ne voyage pas en première classe, mais en classe exceptionnelle. Pour plus de sécurité, les œuvres de l’exposition new-yorkaise ont même été réparties sur sept vols et suivies de près par les conservateurs des différents musées.

Acclimatation
Pourtant, le public américain ne découvrira cette pièce maîtresse des collections de La Cohue qu’à partir de ce lundi. « À chaque voyage, il faut compter près d’un mois pour qu’il s’acclimate. Nous sommes là à l’ouverture et à la fermeture de la caisse pour réaliser une sorte d’état des lieux. C’est la règle », précise Marie-Annie Avril. À la lampe et à la loupe, la Vannetaise et le restaurateur du MET ont vérifié minutieusement les craquelures, les zones fragiles, le voile du châssis, mentionnés sur la carte d’identité de cette impressionnante toile de 2,10 m x 1,63 m.

Avant de confier temporairement la responsabilité de l’œuvre, elle a aussi surveillé son accrochage dans le musée. « J’ai été impressionnée par le calme et le professionnalisme du tandem de techniciens ». Quelques murmures, un prépositionnement, la fixation de deux pattes et le Christ avait trouvé sa place sous l’œil d’Asher Miller, responsable du département peinture européenne du MET. « Il m’a dit apprécier la couleur et le mouvement de cette toile, notamment dans le détail du serpent et du foulard de Marie-Madeleine. Ça fait plaisir ! ».

Attachement
En janvier 2019, Marie-Annie Avril sera de retour à New York. Toujours pas pour flâner dans l’exposition, mais pour vérifier d’état de santé du tableau et superviser sa mise en caisse. « Les frais sont pris en charge par le musée invitant et même si ça peut être lourd pour de petites équipes comme la nôtre, être présent est important : ça montre notre attachement à nos collections ». Quant aux visiteurs de La Cohue, ils devront probablement patienter jusqu’en février pour admirer à nouveau le Delacroix chez lui : le temps qu’il digère son voyage et se réadapte au climat breton.

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